Page:Pradez - Réparation, 1905.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 19 —

ceptible qu’à elle seule. Les instances répétées et suppliantes du moribond l’avaient brusquement détrompée et elle s’était hâtée de le tranquilliser de son mieux. Elle avait promis de garder auprès d’elle jusqu’à sa majorité le fils qu’il avait tant aimé, de ne pas le contrarier dans ses goûts, de le traiter en vérité comme le fruit de sa propre chair et de son propre sang. Rassuré par ces promesses, le père avait fermé les yeux en paix, mais Germaine, restée seule en face de l’enfant, avait très vite senti le poids d’un engagement trop hâtif. Elle n’éprouvait pour Lucien qu’une sorte de pitié froide, un sentiment sans vie qui ne se manifestait qu’en soins matériels. C’était tout. Jamais elle n’avait pu aimer comme son fils cet être malingre, timide et craintif, et lorsqu’au début de son veuvage elle avait rencontré Philippe, la présence de cet enfant à côté d’elle était devenue aussitôt un fardeau encombrant.

Philippe, très épris d’elle, avait pourtant accepté sans trop de difficulté ce legs du passé, et à peine le deuil de Germaine était-il expiré qu’ils étaient partis tous les trois pour le petit pays où Philippe possédait, dans cette plaine uniforme, mordue par l’eau de la mer,