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lourd et l’esprit tourmenté d’incertitude. Les reproches de Philippe avaient bourdonné toute la nuit à ses oreilles comme un essaim de guêpes venimeuses, et plus elle y pensait, plus elle trouvait la réprobation de son mari acerbe et injuste. N’avait-elle pas rempli ses devoirs auprès de Lucien assez scrupuleusement pour tromper jusqu’à la clairvoyance de Philippe ? Pourquoi lui, qui avait toujours haï cet enfant ouvertement et sans raison, la blâmait-il aujourd’hui de ne pas avoir pu l’aimer, elle-même, comme son propre fils ? Si les engagements pris au lit de mort du père lui avaient quelquefois pesé, elle n’avait jamais trahi à personne cette oppression. Elle avait gardé Lucien auprès d’elle par respect pour sa promesse, bien qu’à la rigueur elle eût pu, sans causer aucun préjudice à l’enfant, le confier à d’autres.

Lucien n’était pas sans parenté ; il avait, à Paris, un oncle à la tête d’affaires florissantes, un M. Roche qui aurait pu, sans se gêner, créer un avenir brillant au propre fils de son frère. Il est vrai que le capitaliste s’était franchement dérobé, lorsque, poussée par Philippe, elle lui avait écrit autrefois pour l’intéresser au sort de l’orphelin. Il avait trois fils à établir,