Page:Pradez - Réparation, 1905.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 8 —

sait. Son visage régulier et fin de brunette trahissait de l’incertitude, de l’anxiété même. Elle répondit enfin, sans élan :

— Lucien est bien seul ici, et le retour d’Isabelle est un gros événement pour lui.

— Comment, bien seul ? Est-ce qu’il faudrait à votre avis l’entourer d’une cour, le dorloter comme un fils de roi, quand on ne sait pas même quel est le sang qui remplit ses veines ? Est-ce à cela qu’il prétend, par hasard ?

— Il ne prétend à rien du tout, Philippe. Vous le savez aussi bien que moi.

La jeune femme se leva avec ennui. Son mari l’imita. La journée était chaude, étouffante. On touchait à la canicule, et par les deux fenêtres ouvertes, donnant en plein sur la campagne, on voyait déjà jaunir les moissons. Le paysage était plat ; sans un pli de terrain, sans une ondulation, il déployait jusqu’à l’horizon l’immense étendue triste des plaines maritimes. En effet, bien qu’à cette distance la mer fût invisible et restât inoffensive pour la culture des terres, on devinait son voisinage à l’aspect uniforme du pays, à la pâleur éteinte du soleil, à l’absence de toute forêt. Ici et là des silhouettes mornes de mou-