Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/8

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IIII.


En vain mille beautez à mes yeux se presentent,
Mes yeux leur sont ouvers et mon courage clos,
Une seule beauté s’enflamme dans mes os
Et mes os de ce feu seulement se contentent :

Les vigueurs de ma vie et du temps qui m’absentent
Du bien-heureux sejour où loge mon repos,
Alterent moins mon ame, encor que mon propos
Et mes discrets desirs jamais ne se repentent.

Chatouilleuses beautez, vous domptez doucement
Tous ces esprits flotans, qui souillent aisement
Des absentes amours la chaste souvenance :

Mais pour tous vos efforts je demeure indompté :
Ainsi je veux servir d’un patron de constance,
Comme ma belle fleur d’un patron de beauté.


V.


Je meurs, et les soucis qui sortent du martyre
Que me donne l’absence, et les jours, et les nuicts
Font tant, qu’à tous momens je ne sçay que je suis
Si j’empire du tout ou bien si je respire.

Un chagrin survenant mille chagrins m’attire
Et me cuidant aider moy-mesme je me nuis,
L’infini mouvement de mes roulans ennuis
M’emporte & je le sens, mais je ne le puis dire.

Je suis cet Acteon de ces chiens deschiré !
Et l’esclat de mon ame est si bien alteré
Qu’elle qui me devroit faire vivre me tuë :

Deux Desses nous ont tramé tout nostre sort
Mais pour divers sujets nous trouvons mesme mort
Moy de ne la voir point, & luy de l’avoir veuë.