Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/32

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STANCES B. D. F.


Depuis ce triste jour que mon ame captive
S'empestra des liens de vos cruelles loix,
Et que pour vous servir, elle tenoit craintive
Le veuë sur vos yeux, l'oreille à vostre voix,

J'arrestay mes desirs du vent de l'inconstance
D'espoir & desespoir tous les jours combatus,
Et pour les mettre, enfin, dessous quelque asseurance
Je leur choisi le port de vos belles vertus.

Il sembloit que l'amour me prestoit la main forte
Tant il avoit son front serain de tous costez,
Vous mesme, en vos discours, monstriez en quelque sorte
Je ne sçay quoy de plus que les divinitez.

Mais ce calme d'Amour ne couvoit un orage
Qui me devoit bien tost dissiper le repos :
Et vous sous les douceurs de vostre beau langage,
Desguisiez un esprit contraire à vos propos.

Quand vous me vistes pris, au lieu de ma franchise
Meritoit la faveur d'un aimable recueil,
Je n'euz, pour le loyer de si belle entreprise,
Que les esclairs tranchans du courroux de vostre œil.

Desdains dessus desdains, martyre sur martyre
Couronnoyent les travaux de ma fidelité,
Quoy qu'autant que l'estoir digne de vostre Empire
Je fusse indigne autant de vostre cruauté.

Quand j'eus beaucoup souffert, ma longue patience
Blessee, se changea par contrainte en fureur,
La fureur m'alluma le desir de vengeance
Pouvois-je sans mourir, voir mourir mon honneur ?

L'enfer mesme voyant les langueurs de ma vie
Quoy qu'il soit insensible en print quelque pitié,
Et des sanglants cordeaux de la jalouse envie