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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/216

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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

demi de voyage, nous fîmes relâche au port de Pernambouc dans l’Amérique du Sud.

La chaleur était grande ; mais, en repassant sous ces latitudes, comme je goûtais avec délices la différence qu’il y avait entre ma position, à bord du Saint-George, et celle que j’occupais à bord de l’inoubliable Buffalo. Esclave alors, j’étais libre aujourd’hui ; méprisé alors, j’étais respecté aujourd’hui ; marchant à l’exil alors, je revenais au pays maintenant !… Et sous le rapport physique, au lieu des saletés de la frégate, j’avais tout le confort dont on peut jouir à bord d’un navire.

Le capitaine avait affaire à terre, nous en profitâmes M. Mesnier, sa femme, quelques passagers et moi, pour aller respirer un peu l’air des champs et des bosquets de cette riche nature des pays chauds. Je ne donne pas de description de la petite ville et du port de Pernambouc ; cette description ressemblerait à mille autres du même genre et n’aurait pas grand intérêt pour mes lecteurs.

Descendus à terre vers onze heures de la matinée, nous ne reprîmes le chemin du navire que sur les neuf heures du soir. Huit de nous montions, pour le retour, une chaloupe conduite par des rameurs indigènes ; ils chantaient en ramant une complainte où cantique espagnol, dont l’air avait une grande douceur et dont le refrain était : — Santa Maria. Ils n’avaient pas répété deux fois ce refrain, qui me faisait plaisir à entendre, que je me joignis au chœur qui le