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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/24

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notes d’un condamné politique.

Sur le soir, un courrier vint nous apprendre la fâcheuse nouvelle de la déroute de nos amis de Lacolle et des Côtes ; il ajoutait que beaucoup avaient été faits prisonniers et que les nouvelles étaient partout mauvaises.

Il était évident que notre position allait devenir intenable, et que rester plus longtemps réunis en ce lieu, c’était vouloir attirer la dévastation dans l’endroit, sans aucun résultat possible pour la cause que nous défendions. Toute la nuit du 9 au 10 se passa à délibérer ; nous comprenions dès lors qu’il devait être bien triste pour nous le lendemain de la victoire.

Il fut convenu que ceux qui n’étaient pas trop compromis rejoindraient tranquillement leurs foyers, que les autres, sous les ordres de Chevalier de Lorimier, se dirigeraient vers la frontière éloignée de quinze lieues, tandis que moi je retournerais avec mon monde à Beauharnais, pour y conférer avec nos amis restés dans ce village.

J’arrivai à Beauharnais le 10, à onze heures de la matinée : j’y trouvai deux cent quarante hommes sous les armes ; le reste, après une absence de sept jours, bien longue pour un cultivateur canadien, étaient allés rendre visite à leurs familles. Le découragement se lisait sur toutes les figures ; il y avait de quoi, en songeant à l’absence totale d’organisation et de moyens, aux périls certains et inutiles que couraient tant de familles et à la pensée que, probablement en ce moment, nous étions les seuls sous les armes.