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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/26

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notes d’un condamné politique.

moment qu’à une demi-heure de marche de ce pont.

À l’endroit où nous étions alors, le chemin longe le fleuve Saint-Laurent et se trouve à côtoyer de l’autre côté une forte clôture de pierre ; la route, ainsi resserrée entre le fleuve et le mur, décrit un demi-cercle : nous résolûmes d’attendre l’ennemi près de ce mur, à l’abri duquel nous pouvions ouvrir sur ses rangs pressés un feu d’enfilade, au moment où la colonne commencerait à décrire le demi-cercle formé par le chemin qu’il lui fallait suivre.

Il faisait froid, le jour commençait déjà à tomber, nous étions là agenouillés sur le sol gelé, le fusil sur la cuisse, récitant nos chapelets après avoir dit en commun les litanies. On entendait déjà le bruit des lourdes voitures et de la cavalerie qui s’avançaient lentement, et pesamment sur le chemin durci, lorsque M. le capitaine Roy vint à moi, et, s’adressant à tous, nous dit qu’il y avait folie de vouloir tenter quelque chose avec cette poignée d’hommes mal armés, que commencer une résistance impossible c’était répandre inutilement le sang et attirer sur nos paroisses la vengeance d’un ennemi puissant et implacable : il nous proposa d’abandonner toute idée d’attaquer la troupe.

Je ne pus me refuser à admettre la justesse de son raisonnement ; et il donna l’ordre de se disperser. Chacun prit alors son parti, gagnant à travers champs sa demeure.

Retiré, avec un certain nombre, à quelques