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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/45

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notes d’un condamné politique.

Ce fut le 21 décembre, à 9 heures du matin, que nos deux infortunés compatriotes montèrent sur l’échafaud, dressé au-dessus de la porte du mur de ronde de la prison de Montréal ; ils étaient soutenus par Messire Labelle, alors curé de Châteauguay, leur confesseur. Quelques heures après l’exécution, Messire Labelle vint nous voir et nous raconta les terribles circonstances de cette scène. Le pauvre jeune Duquette (il n’avait que 22 ans) eut beaucoup à souffrir ; l’exécuteur dut le reprendre à deux fois, la corde mal ajustée, s’étant dérangée dans la chute, lui avait fait donner du visage contre le bord de l’échafaud et l’avait ensanglanté.

Ce jour fut un jour de profonde tristesse pour nous : mais nous étions presqu’assurés du salut éternel de nos amis, et nous passâmes en prières une partie de ces longues heures du jour de l’exécution de nos frères. Nous nous attendions, plusieurs d’entre nous du moins, au même sort ; car les procès politiques se succédaient sans interruption devant la cour martiale, malgré les généreuses autant qu’habiles protestations des avocats des accusés, MM. Drummond[1] et Hart, lesquels ne cessaient de protester contre

  1. Que les temps sont changés ! Depuis, un grand nombre des accusés de ces jours-là ont été ou sont encore des fonctionnaires publics, distribués à tous les degrés de l’échelle, et leur avocat principal, l’Honorable M. Drummond, après avoir occupé les plus hautes fonctions politiques, est un des juges du premier tribunal de notre pays.