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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/72

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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

Hindenlang avait écrit le matin quelques lignes dont il nous laissa copie, c’était l’allocution qu’il devait faire au public témoin de son supplice[1]. Cette composition était bien l’expression de sa nature généreuse mais exaltée, et se ressentait de cette éducation révolutionnaire qui se faisait encore alors en France et qui déteignait sur le Canada. Le malheureux jeune homme s’imaginait (comme nous tous ou à peu près, victimes de la prise d’armes) que le Canada était en état de conquérir et de maintenir son indépendance. Je ne comprends vraiment pas, aujourd’hui, comment une pareille idée avait pu prendre de si fortes racines au sein de notre population et survivre chez nous, condamnés politiques, à notre si prompte dispersion et aux malheurs qui en étaient la suite.

À huit heures trois quarts environ, le geôlier,

  1. Voici la copie exacte du feuillet qui fut donné par Hindenlang à ses compagnons de prison.

    « Sur l’échafaud dressé par la main des hommes, je déclare que je meurs avec la conviction d’avoir rempli dignement mon devoir, l’arrêt qui m’a frappé est injuste, je pardonne de bon cœur à ceux qui l’ont porté. La cause pour laquelle on me sacrifie est noble et grande, j’en suis fier et ne crains pas la mort. Le sang versé sera lavé par du sang : que la responsabilité en retombe sur ceux qui la méritent. Canadiens, mon dernier adieu est ce vieux cri de la France : Vive la liberté ! vive la liberté ! vive la liberté !

    Telles sont les dernières paroles que je prononcerai sur l’échafaud avant de mourir.

    C. Hindenlang.
    « Prison de Montréal, 15 février 1839,
    2 heures avant ma mort.