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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/91

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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

informer les familles du départ, si prochain, des leurs pour le lieu d’un bannissement à vie.

À huit heures du matin, le jour où nous devions nous embarquer, un grand nombre de parents, d’épouses et d’enfants des condamnés envahirent la prison, pour dire un adieu, qu’on croyait devoir être éternel et qui le fut pour plusieurs, l’un à un fils, l’autre à un époux, d’autres à un père… Tous les âges étaient confondus dans cette union de larmes amères et de cris déchirants. Les malheureux pères de famille ne trouvaient guère de paroles de consolation à donner à ces femmes éplorées, à ces enfants laissés désormais sans autre appui que celui de la charité des proches, des amis ou du public ; ils se contentaient de mêler leurs pleurs à ceux de ces êtres si chers et de répondre à leurs derniers embrassements.

Pour moi, j’avais vu un de mes frères la veille, et je remerciais Dieu d’épargner à mes vieux parents absents, surtout à ma mère, les terribles émotions d’une pareille scène. Je me disais, en regardant mes compagnons de déportation, la plupart paisibles cultivateurs : — Qu’a-t-on donc tant à craindre, maintenant, de ces braves gens ? Si, toutefois, il y a des coupables ce ne sont certainement pas eux !

À 11 heures de la matinée, le 26 septembre, on apporta dans la section de la prison que j’habitais un tas de menottes ; cela joint au bruit de portes et de ferrailles, que nous entendîmes