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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/93

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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

toujours du bien aux prisonniers. Le médecin de la prison, M. le Docteur Arnoldi, qui s’était toujours conduit envers nous avec beaucoup d’humanité (je parle de M. Arnoldi, le père, mort à Montréal depuis plusieurs années), pleurait à chaudes larmes. Au moment où on me mettait les fers, il saisit ma main restée libre entre ses deux mains, et, la pressant avec affection, il me dit : — « Courage, mon enfant ! »

Il y avait foule dans les rues ; mais la masse des curieux, paraît-il, était stationnée à l’embarcadère du port, dont elle encombrait les avenues. Pour éviter la foule, qui pouvait devenir une cause d’embarras et de trouble peut-être, on nous dirigea en toute hâte, sous escorte de cavalerie, vers le pied du courant, où nous trouvâmes le bateau à vapeur, British America, qui nous prit à son bord. On nous fit descendre sous le tillac d’avant, et un instant après le bateau s’éloignait de la rive à toute vapeur.

Dans l’après-midi on nous ôta nos fers, et peu après, on nous fit distribuer une ration de pain et de jambon, à laquelle le plus grand nombre toucha à peine, tant les émotions du départ nous avaient bouleversés. Il y avait des gens, comme je l’ai dit plus haut, dont les demeures avaient été incendiées et qui laissaient sur le pavé des femmes chargées de nombreux enfants.

Notre bateau jeta l’ancre dans le lac Saint-Pierre ; c’était pour attendre, dirent les gens de l’équipage, un autre bateau ayant à son bord les déportés du Haut-Canada : on voulait ne