Page:Procès-verbal de la Commission Municipale du Vieux Paris, 1898, 3.djvu/15

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de conserver un spécimen authentique des anciens arts du pays.

Tout bâtiment ancien a sa valeur historique, et même si vous croyez, à première vue, que son état exige sa réédification, ou que vous pourriez le reconstruire plus facilement en entier, n’oubliez jamais que toute sa valeur disparaît quand son authenticité n’est plus évidente. Votre devoir est non pas la réédification, mais la conservation.

Prenez donc garde de ne point condamner à la légère un spécimen de l’art ancien, sous prétexte qu’il est hors d’état d’être maintenu. La destruction de toute œuvre ancienne constitue une perte nationale.

M. le Président donne lecture du rapport ci-après, demandé à M. Ch. Sellier, secrétaire, au cours de la dernière séance de la Commission de permanence :

« Rapport présenté par M. Charles Sellier sur l’enquête ordonnée par Colbert en 1678, relativement à la provenance et à la qualité des pierres employées dans les constructions.

Messieurs,

Après l’établissement de l’inventaire des monuments de Paris, les membres de la Commission de permanence ont jugé qu’il y aurait aussi un important intérêt à examiner ces monuments sous le rapport de la nature et de la qualité des matériaux qui les composent.

L’idée n’est pas neuve assurément, car on la voit déjà manifestée en 1678 par Colbert qui, à ses fonctions de premier ministre, joignait, comme on sait, celle dé surintendant des bâtiments. Il est probable que les édifices construits sous son administration, et qui n’avaient que douze ou quinze ans de date, s’étaient déjà altérés au point de provoquer son attention et sa sollicitude. Aussi dut-il songer, dans l’intérêt de la bonne gestion des travaux publics, à s’enquérir des causes de cette altération, et à s’assurer de la qualité des pierres employées, afin-de se former une opinion sur les matériaux qu’il serait sage de mettre en œuvre dans les constructions nouvelles.

Il s’adressa donc dans ce but à l’Académie d’architecture qu’il avait créée depuis peu d’années et où figuraient les hommes de l’art les plus compétents de ce temps : François Blondel, Le Vau, Libéral Brunand, Daniel Gittard, Antoine Lepaultre, Pierre Mignard, André Félibien, d’Orbay, Claude Perrault, Jules Hardouin-Mansart et La Motte-Coquart.

L’enquête, ainsi requise, commença le 6 juillet 1678 et fut continuée jusqu’au 23 septembre suivant. Le procès-verbal qui la relate fut rédigé jour par jour, puis transcrit dans les registres des procès-verbaux de l’Académie d’architecture. Ce document, resté longtemps inédit, a été publié pour la première fois par M. le comte Léon de Laborde dans un volume intitulé : Mémoires et Dissertations (Paris, A. Leleux, 1852, in-8o, p. 145 à 290). Avant cet auteur, Héricart de Thury avait eu connaissance du procès-verbal de 1678, et il en avait déjà tiré parti dans le second chapitre de sa Description des Catacombes de Paris (Paris, 1815, 1 vol. in-8o, p. 137 et suivantes).

Suivant Héricart de Thury, il est presque impossible de déterminer d’une façon précise à quelle époque les carrières des environs de Paris ont commencé à être mises en exploitation. Les premières extractions furent infailliblement faites dans les flancs des collines qui entouraient la Lutetia Parisiorum. On retrouvait encore, il y a trois quarts de siècle, des vestiges de ces premières exploitations au bas de la montagne Sainte-Geneviève, et on en suivait les traces sur les rives de l’ancien lit de la Bièvre, dans l’emplacement de l’abbaye de Saint-Victor, celui du Jardin-des-Plantes et le faubourg Saint-Marcel.

Jusqu’au 12e siècle, les palais, les temples et les autres monuments publics de cette ville furent construits en pierre des carrières de ce faubourg et de celles qui furent ensuite ouvertes au midi des remparts de Paris, vers les places Saint-Michel, de l’Odéon, du Panthéon, des Chartreux, et les barrières d’Enfer et Saint-Jacques.

À partir de cette époque, il faut enfin s’en rapporter au procès-verbal de 1678, et, si l’on ne s’en tient qu’aux anciens monuments encore existants à Paris, on remarque que les experts de Colbert y ont fait les constatations suivantes :

1° À l’église Saint-Séverin, les premières pierres employées sont des pierres dures de Paris ; sur la façade méridionale, on trouve de la pierre dure de Saint-Leu. La pierre dure est fort endommagée par le temps et les intempéries, tandis que la pierre tendre qui est de Trossy, de haut appareil, est restée saine et intacte jusqu’aux moindres moulures. Les contreforts, les petits arcs-boutants de l’abside sont de Trossy et couverts de haut banc; les pignons du côté du cimetière sont aussi de Trossy, et les grands arcs-boutants de la net sont de haut banc. La tour est toute