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le plateau de Belleville compris entre la rue Saint-Fargeau et la rue Botzaris, sont formées d’une masse de marnes vertes dont la couche supérieure imperméable à l’eau suit presque parallèlement, et à une faible profondeur, le niveau du sol ; les eaux d’infiltration sont arrêtées par ces marnes vertes et y forment une nappe qui suit les sinuosités du sol, en sorte qu’il suffit d’installer un système de drainage reposant sur la couche supérieure des marnes vertes pour canaliser cette nappe.

Primitivement, de simples rigoles se réunissant dans les mares accomplissaient ce drainage. Une installation de ce genre est encore visible à Bagnolet ; elle avait été établie pour amener l’eau au parc du duc d’Orléans, dont le pavillon d’entrée est actuellement occupé par l’hospice Debrousse, rue de Bagnolet, no  148, et dont il reste encore une maison de garde dans la rue de Vincennes, à Bagnolet.

Plus tard et pour empêcher les souillures de l’eau s’écoulant à ciel ouvert au fond d’une rigole, l’on construisit les pierrées, sortes de conduits en pierres sèches qui prenaient naissance sur les surfaces’ horizontales pour se diriger sur les déclivités et se réunir dans des regards.

La construction de ces pierrées a été très clairement exposée dans le Bail fait à Jean Coing pour l’entreprise de la conduite des eaux de Rongis à Paris sur le modèle des travaux des eaux de Belleville (le 27 octobre 1612) : « S’il se trouve quelque cours d’eau qui mérite plus grande recherche, sera faicte ouverture de la terre jusques à telle longueur qui sera nécessaire pour le mieulx et la tranchée pour conduire l’eaue sera de deux pieds et demy de large remplye de deux petits murs de pierre sèche, ung petit canal entre deux de six poulces de large et ung pied et demy de hault, recouverts de pierre de blocaille ou cailloux de la mesme qualité avec un corroy faict de glaise de six poulces d’épaisseur par dessus les dictes couvertures… »

Les pierrées venaient déverser leurs eaux dans les aqueducs, qui eux-mêmes aboutissaient dans des bassins ou fontaines installés dans un bâtiment appelé regard. Les aqueducs et les regards ont été construits hors de proportion avec les services qu’ils étaient appelés à rendre. L’aménagement de chaque regard correspondait aux nécessités qui avaient décidé de sa construction. L’un recevait les eaux de pierrées différentes et les réunissait pour les faire écouler par l’aqueduc ; un autre divisait l’eau d’un même aqueduc entre conduites différentes ; d’autres enfin distribuaient l’eau recueillie suivant la destination déterminée et la quantité attribuée. Voici comment avait lieu l’opération : sur l’un des côtés du bassin dit de la prise des eaux était encastrée une plaque de cuivre ou de plomb dans laquelle on pratiquait, au fur et à mesure des concessions, des ouvertures circulaires correspondant au volume de la concession accordée.

L’acte qui autorisait la concession était accompagné d’un anneau d’argent dont le diamètre était égal au trou fait dans la plaque de la prise d’eau.

Les trous étaient établis suivant plusieurs lignes horizontales, en sorte que les concessions privilégiées étaient toujours branchées sur la partie inférieure de la plaque, jusqu’où la disette d’eau ne faisait jamais descendre le niveau.

C’est par ces procédés primitifs que l’on amenait à Paris 350 mètres cubes d’eau par jour en moyenne.

Les sources du nord étaient au nombre de quatre :

L’eau du pré Saint-Gervais, qui prenait naissance aux regards de Cacheloup et du trou Morin, au village du Pré-Saint-Gervais ; elle était la propriété du prieuré de Saint-Lazare, où elle arrivait en contournant le revers nord de la colline de Belleville.

L’eau de Belleville, destinée au service public, prise sur lé sommet du plateau, et dont le premier regard, dit de la Lanterne, existe encore rue de Belleville, 207 ; les premières pierrées s’y réunissaient, puis l’eau coulait en aqueduc par les rues Levert, des Rigoles, de la Mare ; là, le regard de prise des eaux répartissait entre diverses conduites le contenu de ses bassins. Un regard secondaire existait à la rue du Calvaire, au Marais, d’où l’excédent d’eau servait à nettoyer le grand égout.

L’eau de Savies, amenée par des pierrées très productives qui se réunissaient dans le regard Saint-Martin, rue des Cascades ; elle était la propriété des moines de Saint-Martin et des Templiers.

Ce regard Saint-Martin existe toujours ; il porte une inscription intéressante, datée de 1722.

L’eau de l’hôpital Saint-Louis. — Cette prise d’eau est la plus récente, et l’on possède des renseignements certains sur son origine. Quelques extraits des Procès-verbaux des délibéra-