Page:Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres, Année 1, 1857.djvu/18

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gereuses qu’on suppose devoir être exercées, au préjudice des petits centres comme le nôtre, par les chemins de fer. À côté de la facilité du déplacement, on a vu la désertion de nos villes, la dépopulation de nos campagnes, les appétits sensuels se multipliant, la puissance de l’esprit se laissant absorber par celle de la matière, erreurs d’un pessimisme contre lequel protestent évidemment le caractère français, la tradition, l’histoire, les intérêts, et par dessus tout la nature de l’homme et la volonté de Dieu.

Si, à l’aide de communications plus rapides de toute sorte, la pensée est devenue plus nationale d’abord, plus européenne ensuite, comme elle deviendra plus cosmopolite un jour, ne procède-t-elle pas toujours de la conception individuelle ? Or c’est un privilége dont rien ne dépouillera l’homme. Cette pensée changera de forme, elle adoptera de nouvelles expressions, mais elle subsistera au fonds de toutes choses, par les rapports incessants, nécessaires de l’homme et du sol. Le sol ne se déplace pas. Les cours d’eau suivent toujours les mêmes pentes ; les montagnes dominent aux mêmes endroits ; les plaines fertiles ne se transportent pas d’une zone dans une autre ; les climats sont d’ailleurs la sauvegarde des productions. Eh bien ! sur les bords de ces rivières, au pied de ces hauteurs, dans ces terrains cultivés, sous cette atmosphère fertilisante, il y aura toujours des habitants, parce que là seulement se trouvera leur alimentation.

Lors donc que les wagons passant de l’autre côté de la Montagne-Noire nous enlèveront quelques voyageurs, ils nous en rendront d’autres. Au lieu de quelques esprits malades, tourmentés d’une remuante ambition, en proie à la fièvre du lucre, ils nous rapporteront quelques-uns de ces hommes pour lesquels le repos utile est enfin un besoin, et dont l’existence ballotée au loin par d’amères déceptions, viendra se confondre avec la nôtre, afin de vivre, encore, suivant les règles les plus salutaires, des travaux de l’esprit et de l’amour du pays.