Page:Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres, Année 1, 1857.djvu/52

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ner de voir des œuvres que rien ne recommande, entourées d’une certaine faveur ; mais il faut gémir, lorsque les chefs-d’œuvre sont méconnus, et que le génie ne trouve, au lieu de l’admiration à laquelle il a droit, qu’indifférence ou mépris.

Le chevalier de Boufflers a fait une relation de son Voyage en Suisse, ou plutôt auprès de Voltaire. Cet esprit fin, délicat, plein d’amabilité et de grâce, embellit tout. Les détails sont charmants ; pourquoi y a-t-il tant de jeux de mots et d’antithèses ? La prétention est le plus dangereux voisin de l’esprit, et son plus mortel ennemi. On s’en aperçoit particulièrement, quand on voit l’influence fâcheuse qu’elle exerce sur les organisations les plus riches et les plus heureusement douées.

Le Voyage d’Éponne ou à Saint-Germain, par Desmahis, offre une agréable lecture. Il est trop court. Parny a fait un Voyage dans l’île Bourbon. Celui qu’on a appelé le Tibulle Français, devait laisser son empreinte sentimentale, là où ses prédécesseurs n’avaient voulu mettre que de la gaîté. Cette relation intéresse sans jamais lasser. L’esprit peut entraîner et séduire ; mais il porte avec lui son écueil, parce qu’il n’est pas possible qu’il ne laisse pas voir de quelque manière la trace de l’effort. Le sentiment seul attache véritablement, parce que, parti du cœur, il va au cœur.

Bertin, émule de Parny, a parcouru et décrit la Bourgogne et les Pyrénées. Le premier de ces voyages est rempli de plaisanteries spirituelles. On y trouve malheureusement des détails vulgaires et des tableaux de mauvais goût.

Parmi tous ces ouvrages, un seul a conquis, sans contestation, le suffrage des hommes de goût ; c’est que seul il renferme des beautés durables, et se recommande par une originalité dont les écrivains du grand siècle ont l’heureux privilège. Chapelle et Bachaumont ne pensaient pas travailler pour la postérité. Ils écrivaient sans prétention des vers faciles et une prose