Page:Prod’homme - Richard Wagner et la France, 1921.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
9
le wagnérisme en france avant la guerre

Cela se passait en septembre ; le mois suivant, Carvalho fit un voyage à Vienne ; on fit représenter la partition devant lui avec un soin particulier. Il fut entendu que Hermann Lévi assisterait aux répétitions parisiennes. Jusque-là, tout allait bien, il n’y avait pas d’opposition. Mais, le 4 novembre, une note parue dans les Débats annonçait qu’un comité s’était formé pour protester contre la représentation projetée ; il avait déjà réuni 10 000 francs, avec lesquels on louerait des places qui seraient occupées par des protestataires. Le 14, Carvalho fit connaître dans le Temps son intention de jouer quand même. Alors, toute la presse entra dans la mêlée. Caliban (M. Émile Bergerat) traitait spirituellement, dans le Figaro du 19, le « sacrilège de M. Carvalho », Louis de Fourcaud, dans le Gaulois du 6 décembre, dénonçait les manœuvres de MM. Deroulède, président de la Ligue des Patriotes, et Diaz, le compositeur. L’avant-veille, paraît-il, au cours d’un dîner chez Charles Garnier, l’architecte de l’Opéra, le peintre Boulanger avait déclaré qu’il irait siffler Lohengrin à la tête de deux cents élèves de l’École des Beaux-Arts. L’Association des Étudiants s’agitait, la Ligue des Patriotes aussi ; Paul Deroulède écrivait à Carvalho que des manifestations hostiles étaient à craindre. Le 10 décembre, des journaux annonçaient que celui-ci renonçait à son projet ; Carvalho protestait le lendemain dans le Figaro. « Puisque M. Wagner est immortel, au dire de ses admirateurs, opinait Véron dans le Monde illustré du 12, que ses œuvres soient patientes. Qu’on se résigne à attendre l’heure où les ressentiments auront désarmé. » Et Moreno (pseudonyme de l’éditeur Heugel) écrivait dans le Ménestrel du 23 :