Page:Prod’homme - Richard Wagner et la France, 1921.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
richard wagner et la france

artistes, au théâtre de l’Éden, et leur annonça l’ajournement, mais non la suppression de Lohengrin. Deux jours plus tard, les invitations étaient lancées ; la répétition générale eut lieu le samedi 30, à sept heures et demie du soir. Le 1er mai, la première représentation fut annoncée pour le surlendemain. Dès lors, les manifestations commencèrent dans la rue et se poursuivirent les jours suivants. Les spectateurs avaient fait à l’œuvre de Wagner un grand succès, que la presse constata unanimement. Mais les adversaires du compositeur et du chef d’orchestre ne voulurent pas désarmer tant que Lohengrin fut affiché parmi les spectacles parisiens. La seconde représentation était annoncée pour le 5 ; des affiches furent apposées la veille et le jour même. Les manifestants se préparaient à recommencer leur désordre dans la rue, comme le premier soir. Soudain, dans l’après-midi on annonça la suspension des représentations. Lamoureux renonçait volontairement à poursuivre l’expérience, bien que M. Goblet, président du Conseil des ministres, lui eût garanti le maintien de l’ordre. La manifestation projetée n’en eut pas moins lieu, le soir, devant les portes fermées de l’Eden, et quelques arrestations furent opérées. Peu à peu, l’effervescence populaire se calma. Il faut constater toutefois, comme on le fit dès cette époque, qu’on n’avait eu à faire qu’à des bandes de « voyous », qu’il eût été très facile de réduire à la raison, et non à des manifestants bien sérieux. La plupart ignoraient d’ailleurs profondément de quoi il s’agissait et n’avaient été mis en mouvement que par les excitations malsaines d’une presse friande de scandale et fort experte à exploiter la crédulité populaire.