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la question wagner depuis la guerre

que je me sens absolument sûr de surmonter, dans de telles dispositions, les difficultés les plus infimes et de faire jouer mon œuvre dans une perfection telle que je n’ai encore jamais pu seulement le tenter.

Tannhäuser sifflé — par une partie du public — retiré de l’affiche d’accord avec l’administration, son auteur écrit, pour l’Allemagne, un compte rendu de l’événement auquel les anti-wagnériens de jadis, tout comme ceux d’aujourd’hui, eussent bien fait de se référer avant d’insinuer que l’insuccès de l’Opéra aurait été l’origine, chez Wagner, d’une haine farouche contre la France, qui se serait exaspérée surtout en 1870. La vérité est assez différente. Comme dans la lettre à Wesendonck qui vient d’être citée, Wagner, dans ce « compte rendu pour l’Allemagne » où il eût pu, dans son orgueil d’auteur sifflé, certes, se montrer très dur pour les Français, fait preuve, au contraire, d’une grande impartialité et d’une grande modération de jugement[1]. Il ne cesse de faire l’éloge, non seulement de l’exécution en général, mais encore du public parisien, dont il pénétra fort bien la psychologie.

Un public, je dis : un grand public, duquel je suis personnellement inconnu, qui a appris quotidiennement sur moi par les journaux et les bavardages des oisifs, les choses les plus absurdes, et qu’on a travaillé contre moi avec une rage presque sans exemple ; voir ce public qui, pendant un quart d’heure, prodigua les démonstrations enthousiastes d’approbation, se battre contre un clan pour

  1. Wagner lui-même en faisait l’observation dans sa lettre à G. Monod en 1876.