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ces diverſes réclamations réglées par la loi ſont des moyens efficaces d’aſſurer la liberté, on peut craindre qu’ils ne le ſoient pas aſſez pour mettre la proſpérité publique, ou les droits individuels à l’abri des erreurs dans leſquelles une aſſemblêe nombreuſe pourroit être entraînée par la précipitation, par la prévention, ou même par l’excès de ſon zèle.

On a plus d’une fois propoſé, pour remédier à ce danger qui a frappé tous les eſprits, de partager une aſſemblée unique en deux ſections permanentes qui délibèreroient ſéparément. Dans le cas où les opinions ſeroient diviſées, ces ſections ſe réuniroient pour prendre une détermination finale, ou bien on obtiendroit le réſultat du vœu général de la majorité en comptant les voix pour ou contre dans l’une & l’autre ſection. On a propoſé encore d’accorder à un corps ſéparé, le droit d’examiner les déciſions de l’Aſſemblé des Repréſentans, & d’expoſer les motifs de ſon refus d’adhéſion dans un temps déterminé, après lequel, ſur une nouvelle diſcuſſion, l’Aſſemblée donneroit une déciſion définitive.

Ces moyens n’ont rien de contraire à la liberté, ni même à l’unité entière du pouvoir. Chacun d’eux préſente des avantages & des inconvéniens. Mais ni l’un ni l’autre n’ont paru convenir à la Nation Françaiſe. En effet, ces ſections permanentes, ce corps d’examinateurs de lois partageroient néceſſairement les eſprits, deviendroient des points de ralliement, des objets d’inquiétude pour les uns, d’enthouſiaſme pour les autres. Le paſſage rapide du deſpotiſme à la liberté, le paſſage non moins rapide d’une royauté appellée conſtituionnelle à la République, l’agitation cauſée par ces révolutions ſucceſſives, l’eſprit de défiance, ſuite néceſſaire des erreurs & des fautes où tant d’hommes ont été entraînés, tout rend ces moyens impraticables pour nous : car des diſſentimens & des combats d’opinions entre des corps inveſtis de l’autorité publique ne peuvent ſe concilier avec la tranqillité des citoyens, ſi on ne ſuppoſe dans le peuple aſſez de calme & de confiance pour conſentir à n’en être que le paiſible ſpectateur & à ne les juger qu’avec ſa raiſon.

Il a donc fallu chercher des moyens de forme capables de mettre à l’abri des dangers de la précipitation, & cependant ne pas rendre impoſſible cette activité, cette promptitude dans les déciſions qui eſt quelquefois néceſſaire, ſans que néanmoins la Loi puiſſe déterminer d’avance les cas où cette néceſſité eſt réelle.

Il falloit en même temps que dans les circonſtances les plus impérieuſes ces formes préſervaſſent encore des inconvéniens d’une

impétuoſité