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LE COUPLE AU JARDIN

la biologie végétale. Savez-vous que, pour transplanter les arbres adultes, Bose les chloroformait, et que l’arbre anesthésié supporte ainsi l’opération sans risquer de mourir du choc opératoire ?

Oui, Blanche savait toutes ces choses ; elle savait aussi qu’il ne pouvait y avoir rien d’inquiétant pour elle dans les colloques de son mari avec Diane Horsel. Et pourtant elle en éprouvait une jalousie subtile qu’elle se reprochait. Il lui était pénible que Nérée dispensât à une autre cette science qu’il savait embellir de toute la poésie qui était en lui.

Quant à Diane, elle n’avait pas à feindre l’intérêt ; tout ce que lui disait Nérée la ravissait ; mais ne lui eût-il dit que des choses médiocres, elle se serait encore enchantée des seules inflexions de sa voix, tant l’attraction qu’il exerçait sur elle devenait puissante.

Cependant, il arriva que la jeune femme, si mesurée en ses propos, si soucieuse de plaire, opposa aux idées de Nérée une humeur contredisante et presque agressive. Cela se produisit chaque fois qu’on vint à discuter du sens de la vie et du bonheur.

Un soir, à l’heure du bridge, Mme Galliane se montrait préoccupée de l’état de santé de Rita, la femme de Carini.

— Je crois, dit Blanche, que sa véritable maladie, c’est d’avoir pour mari une brute.

— Ne dites pas cela ! protesta Mme Horsel. Carini est harmonieusement beau et chante « à voix de sirène ». N’est-ce donc rien ?

— Il a même quelque chose comme une âme, compléta Nérée : il aime son cheval et il aime le jardin.