Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/189

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tout temps cette sympathie a fait l’objet des spéculations théologiques et philosophiques ; de tout temps, quelques rêveurs ont cherché à en déduire une je ne sais quelle parenté entre l’homme et le règne animal. On connaît la discipline de Pythagore et des Brahmines, fondée sur le dogme de la métempsycose. Maintenant que la notion du droit et du devoir entre nous autres humains s’est obscurcie, quelques moralistes ont jugé à propos de nous parler de nos devoirs envers les animaux, et je trouve dans la Revue de Paris, 15 juin 1856, un article où le retour de la grande alliance, de l’antique alliance, de la charité universelle, est annoncé comme un des caractères de l’ère nouvelle.

J’en demande pardon à la loi Grammont, ainsi qu’à l’hospitalité orientale pour les chevaux et les ânes : mais je ne puis voir en tout cela qu’un verbiage panthéistique, un des signes les plus déplorables de notre décadence morale et intellectuelle. L’antique alliance, conservée à Singapour, parmi les Arabes et les Turcs, n’est autre chose que l’état primitif et bestial de l’humanité. À mesure que l’homme s’élève, il s’éloigne des bêtes ; et s’il perd ses inclinations de chasseur et de bourreau, en revanche il prend vis-à-vis d’elles les habitudes de l’exploiteur le plus endurci.

Que signifie, je vous le demande, le retour à l’antique alliance, aux sentiments pythagoriques, avec cette immense consommation de laines, de cuirs, de cornes, de bleu de Prusse, de beurre, de fromages, de viande fraîche ou salée ? Notre philozoïe se réduira toujours à la pratique anglaise : Bien nourrir les animaux, les bien soigner, les bien croiser, afin d’en obtenir plus de lait, de graisse, de poil, de viande, et moins d’os, c’est-à-dire afin de les manger. Et de quelque douceur que nous usions à leur égard, ce n’est point, sachons-le bien, par considé-