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Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/226

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cette distribution, même au point de vue du spirituel, était énorme. Il ne s’agissait de rien de moins que de la loi économique qui préside à la création et à la circulation de la richesse ; du principe de Justice par conséquent qui doit en régler, d’accord avec la loi économique, la possession, la transmission, l’exploitation, l’accumulation, l’échange ; principe dont l’application formait, après la détermination du droit personnel, la partie la plus décisive des institutions. Que dit à ce sujet l’Église ? Rien. Sur la question économique, comme sur la question personnelle, sa morale est nulle. Toute sa théologie se réduit à dire, avec Domat, Calmet, Malebranche, l’Évangile et tous les Pères :

Voyez, mortels, l’étrange partage qui se fait entre vous de la richesse ! Cinq ou six pendards jouissent ; l’immense multitude est vouée à la misère…. Et maintenant se peut-il qu’il en soit autrement ? Non, tant que les hommes seront hommes, entraînés par leurs passions, soumis en un mot au péché originel. Car il n’y a pas, il ne saurait y avoir, dans l’ordre d’une nature corrompue, de Justice distributive s’exerçant spontanément, selon des lois équitables et scientifiquement démontrées. Tous vos philosophes qui se sont occupés de la misère, vos législateurs, vos jurisconsultes, vos économistes, en conviennent. En raison de l’inégalité naturelle que vous ne pouvez détruire, et des institutions sociales que vous ne pouvez pas davantage abolir, la répartition de la richesse, obtenue par conquête, invention ou découverte, ou née de la combinaison du travail et du capital, s’opère fatalement selon le caprice du hasard ou le bon plaisir de la Providence, qui comble ceux qu’il lui plaît, et laisse aux autres pour remède à leur extrême dénûment la charité évangélique, dont l’Église est à la fois l’institutrice et l’organe.