Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/29

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tout ce qui a servi la réaction est usé : mais la corruption qu’ils ont semée, la servitude qu’ils ont préparée, les ruines qu’ils ont amoncelées, tout cela subsiste, et l’on se demande ce que signifie, après tant de défections, le mouvement qui y aboutit ?

N’est-ce pas chose surprenante, qu’une Révolution combattue, abrogée par tous ceux qu’elle a portés dans son sein, et qui ont reçu son baptême ? Depuis dix ans, je suis avec toute l’attention dont je suis capable le courant de l’histoire. Autant que je l’ai pu, j’ai pris connaissance des idées et des actes. À part quelques caractères fortement trempés, et qui se savent, j’ai trouvé, à l’endroit de la Révolution, tout le monde hostile : gens de lettres, gens de loi, gens d’affaires, gens d’école, et gens de parti ; poètes, historiens, romanciers, magistrats, spéculateurs, boutiquiers, industriels ; universitaires, économistes, éclectiques, panthéistes, constitutionnels, impériaux, démocrates ; gallicans, protestants, juifs, néo-chrétiens ; la jeunesse, les femmes, la bourgeoisie, la multitude, l’employé, le soldat, l’académicien, le savant, le paysan, l’ouvrier, comme le prêtre.

Et comme si la Révolution, en s’éloignant, entraînait la Justice, plus ce monde se montrait hostile, plus je l’ai trouvé corrompu.

La Démocratie, par la bouche de Robespierre, redemande à l’Être-Suprême la sanction des droits de l’homme. Aussitôt la notion du droit s’obscurcit, et la corruption, un moment suspendue, reprend sa marche. L’empire, la restauration, la monarchie bourgeoise se montrent de plus en plus infidèles à leur