Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/392

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raison, devenir une cause de subversion pour l’État. Tout au contraire, comme elle serait un élément de l’humanité, elle en serait un aussi de la politique, elle serait une condition de stabilité pour le pouvoir. Il implique contradiction qu’un être périsse en obéissant à sa loi.

Dans cette hypothèse, la théorie d’Aristote, qui est celle de Platon, de Machiavel et de tous les autres, et déjà fausse.

2o Mais il n’est pas vrai que l’inégalité soit une loi de la nature et de la société ; sur ce point je n’ai plus à faire ma preuve.

J’ai démontré, par raison juridique et mathématique, que l’inégalité des fortunes, bien qu’en vertu de conventions expresses et dans l’intérêt des relations économiques elle puisse être l’objet d’une certaine tolérance, n’a rien en soi cependant de nécessaire ni d’humain ; qu’en tant qu’elle est le fait de la nature, c’est un accident auquel la prudence du législateur, l’habileté de l’économiste, la sagesse du pédagogue, sont appelées à porter remède ; en tant qu’elle résulte de l’anarchie politique, mercantile et industrielle, une violation du droit.

Je ne reviendrai pas sur cette thèse, d’une certitude désormais invincible. Mais je conclus contre Aristote et toute la vieille politique :

Quelles que soient les inégalités que la nature laisse subsister entre les hommes, et dont nul citoyen ne songea jamais à faire un grief à l’État, ce ne sont pas ces inégalités qui provoquent la révolte, comme il plaît au philosophe de Stagyre de le dire, et qui amènent les révolutions ; c’est l’iniquité systématique dont elles sont le prétexte, et qui fait de l’économie sociale un guet-apens tendu au travail, à la bonne foi et à la liberté.

La cause de l’instabilité des gouvernements, en un mot, ce n’est pas, comme on l’a dit, l’inégalité naturelle,