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de l’enivrement des sens. Ce n’est ni un bambocheur comme Néron, ni un mélancolique comme Tibère, ni un frénétique comme le fils de Germanicus. C’est tout simplement le fils d’une prêtresse de Vénus, un initié de ce culte babylonien contre lequel tonnaient jadis les prophètes. Pour comprendre Élagabal, il faut lire, non Juvénal ou Pétrone, mais la Bible.


ALEXANDRE-SÉVÈRE.

Une société livrée à l’idéalisme passe d’un extrême à l’autre, sans trouver jamais l’équilibre. Après Élagabal, Alexandre-Sévère ; après Louis XV, Louis XVI. Le caractère de ce nouvel empereur n’a pas été mieux apprécié que celui du précédent.

Proclamé empereur, comme son cousin, à dix-sept ans, par une révolte prétorienne, Alexandre règne sous la tutelle de sa mère, Mamée, et du célèbre jurisconsulte Ulpien.

Qu’est-ce d’abord que cette Mamée ? La propre sœur de Soémis, une Syrienne, une initiée du culte d’Astaroth, dans l’exercice duquel elle devint mère d’Alexandre, dont le père est demeuré aussi inconnu que celui d’Élagabal. Plaisant effet de l’idéalisme ! Ayez d’abord pour empereur un grand homme, un Antonin, un Sévère, le dernier de ses petits-bâtards deviendra pour la populace une idole. Seulement, avec l’expérience le caractère du sujet change : à la place de l’infâme Élagabal, nous aurons en Alexandre un sage garçon, une demoiselle, doux, modeste, pudique, obéissant à sa mère et à son ministre, orné de toutes les vertus dont Élagabal avait si étrangement exagéré les vices, comme celui-ci d’ailleurs, plein de religion et de piété. Ces deux jeunes gens sont vraiment frères, ou pour mieux dire, vraiment sœurs : il n’y a de différence entre elles que la conduite. Élagabal fut une fille de joie ; Alexandre une personne rangée. Chez tous deux, la pudeur et la lubricité procèdent du même tempérament, du même esprit mystique, donnant naissance à des qualités et à des défauts contraires. En Élagabal, le fanatisme érotique produit une fièvre de luxe et de prodigalité inouïe ; en Alexandre, la retenue amène l’avarice. Au demeurant, comme Élagabal, Alexandre manque au principe prétorien, d’abord en faisant ou laissant nommer au-