Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je l’affirme donc sans hésiter, comme l’Énéide avait évincé l’Iliade, il était nécessaire qu’une autre épopée chassât le cycle virgilien ; qu’à l’ordre hiérarchique et sacerdotal inauguré par les césars, consacré par l’Église, repris par Charlemagne, soutenu par Charles-Quint et Louis XIV, succédât un ordre de liberté, d’égalité, de travail, de science et de paix.

Cette nouvelle épopée, nous en connaissons le sujet et l’objet : c’est la Révolution.

Qu’est-ce que la Révolution ?

La fin de l’âge religieux, aristocratique, monarchique et bourgeois ; l’équation de l’homme et de l’humanité.

C’est le règne de la vertu sans la grâce, la justification sans sacrements, la prépondérance définitive du droit sur l’idéal, la souveraineté du travail comme condition et sujet de l’art.

Expliquons, du point de vue purement littéraire, ce grand mouvement.

L

L’Église ayant supplanté l’empire, l’Évangile du Christ usurpant sur les âmes l’autorité qui devait appartenir à la théosophie de Virgile, la littérature créée par l’Énéide dut se reformer d’abord sur la Bible, et recevoir, dans toutes ses parties, le baptême chrétien.

Cependant, comme les langues ne chantent pas, ainsi que les poëtes et les corneilles, pour toutes les causes, il fallait attendre, pour opérer cette transformation, que du latin fussent sortis de nouveaux idiomes, qui, n’ayant avec lui de commun que les racines, eussent perdu toute solidarité avec le polythéisme. Les proses rimées de l’Église ne compteront jamais comme littérature.

Telle est la raison historique des poëmes de seconde formation que l’on voit se produire du treizième au sei-