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zième et jusqu’au dix-huitième siècle, et qui tous ne sont que des lambeaux étirés, des travestissements en costume catholique, de certaines parties de l’Énéide.

Le premier de cet épicycle est Dante, 1265-1320, qui sans nulle gêne, se plaçant sous le patronage de Virgile, prend pour sujet de sa longue trilogie l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis, rapidement esquissés par son modèle. Comment a-t-on pu voir dans cette enfilade de visions et d’épisodes, qui ne tiennent à la réalité que par la satire de quelques contemporains, un poème épique ? Quoi ! c’est à l’heure où la papauté, souffletée par Philippe le Bel, est jetée comme dans une sentine à Avignon, que Dante se met à chanter la théologie, le monde transcendantal, la cité de Dieu !…

Plus inconséquent encore se montre Tasse, 1544-1595, célébrant dans la première croisade le triomphe éphémère de la papauté, alors que le monde chrétien a appris à maudire le pape et les croisades, que les princes orthodoxes lui ont enlevé tout le temporel, que Luther, Calvin et consorts lui ôtent jusqu’à l’Esprit, et qu’elle n’a pour se soutenir que l’âme de Loyola !… Quelle raison, je le demande, dans ces poëmes ? Que veulent-ils ? qu’annoncent-ils ? que signifient-ils ?… Dante, persécuté par les papes pour son livre De la Monarchie, où il soutient la thèse très-peu catholique de la distinction du spirituel et du temporel, proscrit par ses concitoyens, qui ne voient en lui qu’un utopiste, Dante meurt dans l’exil : peut-on dire qu’il fut l’expression de son époque et de la société ? Tasse, après avoir été tour à tour porté en triomphe et enfermé comme fou, meurt de chagrin et d’ennui : avait-il aussi la tête saine ?

Admirez cet autre. Le quinzième siècle a proclamé la Renaissance ; le seizième a produit la Réforme ; le dix-septième, par la bouche de Hobbes, Toland, Boling-