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LVI

À présent, dites-moi, comment, à peine la Révolution éclose, la littérature qui avait tant contribué à la produire, a-t-elle fait tout à coup volte-face ? Comment a-t-elle renié son objet, méconnu son principe, trahi sa cause ? Comment, depuis le commencement du siècle, ne cesse-t-elle de combattre les deux grandes forces de l’humanité, la Liberté et le Droit ?

Tout ce que la littérature française, dans son élaboration révolutionnaire, avait travaillé avec amour, tout ce qu’elle avait admiré, glorifié, consacré, on l’a vue le désavouer ensuite et le flétrir. Elle a démoli ses chefs-d’œuvre, abjuré ses idées, changé son style, désarticulé sa poésie, corrompu sa langue. Elle a quitté la raison pour la fantaisie, et la fantaisie l’a conduite à l’infamie : autrefois, organe de la vertu de la nation, maintenant l’entremetteuse de ses débauches.

Précisons notre pensée.

La marche de la littérature française, après 89, était tracée. D’après les principes posés plus haut, il y avait à faire deux choses : 1o élever la pensée publique à la hauteur des événements, en faisant de l’histoire universelle l’épopée, du verbe universel le verbe de la Révolution : c’était la partie d’investigation archéologique, politique, philologique, économique ; — 2o dégager de la réalité sociale, plus largement conçue, l’idéal correspondant : c’était la partie plus spécialement littéraire.

La première partie de la tâche a été dignement commencée : il suffit de nommer, pour la science de l’histoire, Dupuis, Daunou, Châteaubriant, Guizot, les deux Thierry, Michelet, Thiers, Mignet, Poirson, Désobry, H. Martin, de Barante, Ferrari, et une foule d’autres ; pour la philologie, Volney, Abel Rémusat, Eugène Burnouf, Letronne,