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Après une histoire ridicule de pommes de terre et de soupe aux choux, imaginée à seule fin de me représenter comme un goinfre dont la pauvreté fait toute la tempérance, M. de Mirecourt continue en ces termes le récit de mes sensualités :

« À cette sobriété remarquable, Proudhon joignait ou semblait joindre une continence cénobitique. Ni sollicitations ni moqueries ne le décidèrent à faire un pas avec les railleurs du côté de la débauche. Cet homme étrange écrivait sur la chasteté des lignes qu’on pourrait croire tombées de la plume d’un Père de l’Église. » (Suivent les citations.)

« En voyant Pierre-Joseph professer une vertu aussi pure, on se demande si la vertu était sa conseillère.

« Les chefs de secte, les orgueilleux, les génies brouillons, qui de siècle en siècle s’attribuent le titre de réformateurs, cherchent toujours à passer pour chastes. Ils savent combien on admire ceux qui paraissent au-dessus des passions et des faiblesses de notre pauvre humanité. Nous voyons là système et calcul, mais de vertu pas l’ombre.

« Qu’il suffise de rappeler à M. Proudhon dans quelles circonstances a eu lieu certain mariage à Sainte-Pélagie, pour le convaincre que l’ange des légitimes amours n’a pas toujours veillé au chevet des plus chaleureux apôtres de la continence. Croyez-vous, sectaires menteurs, que nous allons vous laisser intacte autour du front cette auréole usurpée ? »


Comme dernier coup de pinceau, il ajoute que j’ai fait bénir mon mariage par le prêtre, et présenté les enfants qui en sont provenus aux fonts baptismaux.

Tout est permis à qui combat pour une sainte cause. Je veux croire cependant que lorsque M. de Mirecourt a écrit ces lignes, emporté par son zèle pour l’Église, il a oublié que le soupçon dont il se faisait l’écho ne tombait pas sur moi seul, qu’il atteignait une personne qui ne recherche pas la célébrité, et dont la philosophie n’alla certes jamais jusqu’à mettre les sacrifices de l’amante