Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/281

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la personne des curés et vicaires devenait une injure à la démocratie. Pour triompher de l’opposition, le pape Grégoire VII, entrant ou feignant d’entrer dans les idées de l’époque, soutint au contraire que le célibat des prêtres avait précisément pour objet d’empêcher l’envahissement de l’Église par la féodalité, en rendant impossible l’appropriation, par les desservants et leurs familles, des fonctions et propriétés ecclésiastiques. Toujours la politique à la place des principes, la discipline à la place de la morale : comme si le droit conjugal était chose variable au gré de la raison d’État, comme si la famille n’était pas la base de toute morale.

Quelle est donc, enfin, sur le mariage, la pensée, la vraie pensée de l’Église ? Où en est-elle aujourd’hui ?

Chose singulière, que personne ne me semble avoir remarquée, mais qui ressort avec éclat de l’histoire de l’Église et de toute sa discipline, l’Église, moins avancée que le paganisme, n’a jamais distingué le mariage du concubinat. Pour elle, c’est tout un. Elle bénit les époux, elle bénit les concubinaires, comme elle bénit toutes choses ; elle bénissait naguères les draps du lit nuptial, que les mariés portaient avec eux à l’Église ; elle bénit autrefois l’amour libre ; si elle l’osait, elle le bénirait encore. Qu’on se marie, ou que l’on se contente de coucher ensemble, de telles distinctions, toutes de tempérament, de convenance ou d’intérêt, ne la regardent point ; qu’on lui demande sa bénédiction seulement, et tout sera pour le mieux. L’Église, en un mot, qui, sur toutes les autres parties de la philosophie sociale, a porté si loin la spéculation théologique, l’Église est restée, sur la question du mariage, dans le pur naturalisme ; elle n’a littéralement pas de religion.

Quoi ! dites-vous, il n’est pas vrai que l’Église compte le mariage au nombre de ses sacrements ?… — Un instant,