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En France, depuis la Révolution, le mariage civil doit précéder toujours le mariage religieux.

En Espagne, il n’y a pas de mariage civil : le mariage religieux, conformément à la discipline du concile de Trente, tient lieu de tout.

Un concubin français, pour plaire à sa concubine, désire se marier religieusement, mais non pas civilement ; faire, comme l’a dit ironiquement M. Dufaure, un mariage de conscience, non un mariage social et solennel ; surtout éviter la publicité. À cet effet, il obtient la recommandation d’un évêque français auprès d’un curé espagnol, lequel passe d’emblée à la célébration, sans autre formalité en France ni publication. On demande si le mariage religieux ainsi fait à l’étranger emporte, pour la France mariage civil, d’après l’art. 170 du Code ; et si la concubine, lavée, purifiée, épongée par l’Église, peut se dire épouse et commune en biens ?

Cinq consultants, MM. O. Barrot, Bethmont, Marie, Buignet, Demolombe, d’accord avec les évêques de Reims, de Bordeaux, de Paris, de Versailles, répondent : Oui. — Le tribunal, d’accord avec le ministère public et le défenseur des héritiers, M. Dufaure, dit : Non.

Qui est dans la vérité, dans le droit ? J’ajoute : Qui, de MM. Barrot, Bethmont, Marie, Buignet, Demolombe, ou du tribunal, a le mieux saisi l’esprit de la Révolution ?

Après l’exposé qu’on vient de lire, la réponse ne peut être douteuse.

En principe, aux termes de la théologie chrétienne, de la tradition et de la pratique ecclésiastique, le mariage religieux n’est pas un mariage ; c’est une union naturelle, contractée, si vous voulez, devant Dieu, mais non pas devant la société ; union sanctifiée, pour le croyant, par la bénédiction du prêtre et son exorcisme, mais qui n’em-