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ta mère, me crie Legouvé. Voilà trente ans qu’on tourne et retourne ce sensible hexamètre. Je réponds tranquillement, sans manquer au respect de ma mère : Tant que j’ai été enfant, j’ai obéi et dû obéir ; parvenu à l’âge de majorité, mon père vieux et cassé, je me suis trouvé, par mon travail et mon intelligence, le chef de la famille, et pour ma mère elle-même un mari et un père ; j’ai pris et j’ai dû prendre le commandement.

XIII

Mais est-il vrai que dans l’ordre moral, au point de vue de la Justice, de la liberté, du courage, de la pudeur, la femme soit l’égale de l’homme ? Déjà nous avons vu, chez tous deux, l’intelligence se proportionner à la force ; comment la vertu ne se proportionnerait-elle pas à son tour à l’une et à l’autre ?

N’oublions pas que nous comparons les sexes dans leurs natures respectives, abstraction faite de leur influence réciproque, et indépendamment de toute communication familiale, conjugale et sociale. L’hypothèse de l’égalité des sexes et de leur indépendance mutuelle, à part ce qui regarde la génération, le veut ainsi. Nous savons combien le physique de la femme est modifié par la maternité et le travail, combien son esprit l’est ensuite par l’initiative de l’autre sexe ; nous sommes en droit de supposer qu’il en sera de même pour la conscience. Puis donc que nous avons à déterminer le droit de la femme dans ses relations avec l’homme et avec la société, nous devons auparavant reconnaître sa valeur propre et comparative, distinguer en elle ce qui vient de la nature d’avec ce que lui confère le mariage.

La question revient ainsi à demander si la femme possède d’elle-même sa vertu, toute sa vertu, ou si par hasard elle ne tirerait pas, en tout ou en partie, sa valeur