Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/403

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clure d’un commun accord du forum et de la politique.

Je ne m’étendrai pas longuement sur l’écrivain ; d’avance nous l’avons jugé. Si le moral de la Révolution commence à baisser en Rousseau ; s’il est plus bas encore en Béranger, il tombe tout à fait en Lamartine. Or, sans cet élément moral qui fait l’âme de toute littérature, le poëte, l’écrivain, quel qu’il soit, est comme un banquier sans argent ; son papier est de nulle valeur, et toute sa circulation aboutit à la banqueroute.

Les Méditations poétiques, œuvre capitale de M. de Lamartine, sont une lamentation sur la fin de l’âge religieux et monarchique, un poëme purement négatif. Par ce côté funéraire, ce poëme se rattache à la Révolution ; aussi le succès fut grand et mérité. Mais déjà l’on pouvait prédire que le poëte, s’il restait fidèle à lui-même, n’irait pas loin : l’oraison funèbre de l’ancien monde chantée, M. de Lamartine ne pouvait être dans le nouveau qu’un poëte de scepticisme, ce qui veut dire, un écrivain hors du droit, hors de la morale, une non-valeur littéraire. Pour qu’il devînt autre chose, il eût fallu qu’il devînt lui-même un homme nouveau : or, nul poëte d’un ordre élevé ne saurait être double, incarner en sa personne deux époques, deux principes. Le vrai poëte est l’homme d’une idée, homo unius libri.

Les Harmonies sont une reprise malheureuse des Méditations ; versification lâche, incorrecte, pensée nulle. En poésie on ne se répète pas, bis repetita non placent.

Le Voyage en Orient, essai de variations sur le thème de l’Itinéraire de Châteaubriand : un écrivain ne fait pas de ces choses, bien qu’il ait parfaitement le droit de les faire.

Dans Jocelyn, poëme de six mille vers, et qu’il eût fallu réduire à cinq cents, M. de Lamartine a voulu représenter un amour idéal contenu par la religion. C’est le Vicaire savoyard corrigé et refait ; mais telle est la faiblesse du jugement en M. de Lamartine, qu’il ne s’aperçoit pas que son héros, qu’il a voulu faire vertueux et chaste, fait autant honte à l’amour qu’à la religion et à la vertu. Puisque Jocelyn s’est fait prêtre par un acte d’héroïsme, la foi, la Justice, la poésie, le cœur humain, le plus simple bon sens, n’admettent plus qu’après