Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/407

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poitrinaire, la seconde attaquée d’une maladie de cœur qui lui interdit tout rapport physique d’amour. Ils s’aiment, néanmoins, et comme bien on pense, d’autant plus qu’ils n’ont rien à espérer. Le jeune homme suit la femme à Paris, est agréé par le mari, vieillard octogénaire, qui approuve cette liaison platonique. On se voit, on s’écrit, on s’adore pendant six mois, au bout desquels, forcés de se séparer, on se donne rendez-vous à Aix, et la femme meurt.

Tel est le fond sur lequel M. de Lamartine a broché 350 pages de ce style feuillu, melliflu, qui ne le quitte pas, et qui eût si fort impatienté Diderot.

Qu’est-ce, d’abord, que ce mariage ?

Jeune, belle, ardente à l’amour, mais sans bien, Julie a consenti à épouser un vieux savant, qui doit, dans quelques années, délai moral, lui laisser une jolie fortune, avec laquelle elle pourra se remarier, et qui en attendant ne la gêne pas, satisfait qu’il est, dit-il, du plaisir des yeux et de la possession du cœur. En offrant sa main à la jeune fille, il avait déclaré, protesté, qu’il regrettait de n’avoir pas de fils à qui il pût la donner ; que, ne pouvant l’obtenir pour un fils, il voudrait l’avoir pour fille ; qu’en l’épousant lui-même, il n’aspirait à rien de plus qu’à des relations paternelles, etc.

Sur quoi j’observe que, puisqu’il ne s’agissait que de paternité, il y avait un moyen bien simple, qui ne contrariait personne et ne choquait point la nature : c’était d’adopter Julie, puis de la marier. Il est vrai qu’alors le roman n’est plus possible ; mais c’est justement ce que je reproche à M. de Lamartine et à ses pareils, et en quoi je les accuse de manquer de virilité intellectuelle ou de conception : dès qu’on les oblige à respecter, dans leurs compositions, la logique, la vérité et la morale, en un mot la raison des choses, on les condamne au silence.

Si vieux pourtant et décharné que soit un homme, il lui reste toujours une velléité de concupiscence, et c’est ce que M. de Lamartine avoue ingénument de celui-ci : — « Sa tendresse se bornait à me presser contre son cœur, et à me baiser sur le front, en écartant de la main mes cheveux. » Assez comme