Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/408

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cela : ce mari est un vieux drille, qui déguise sous de grands mots une fringale de soixante-douze ans, et se permet, faute de mieux, les attouchements. Il suffit que le soupçon existe pour que l’honnêteté disparaisse, et que la prétendue paternité devienne incestueuse. Et quoi de plus immoral que la peinture de ces amours contraints à la réserve ou réduits à l’impuissance par un obstacle étranger à la volonté : la décrépitude chez le vieillard, l’anévrisme chez la femme, le vœu sacerdotal chez Jocelyn ?

Du mari passons à la femme. Si peu qu’on voudra, Julie est épouse ; elle doit respecter en sa personne et dans la personne de son époux, même non usager, la sainteté du mariage. Or, ce respect ne consiste pas seulement à s’abstenir de ces viles satisfactions des sens que lui interdit son anévrisme, mais à se défendre de tout amour, si épuré et désintéressé qu’il soit. M. de Lamartine, si raffiné dans son platonisme, n’ignore pas que le mariage est chose toute morale, dans laquelle le commerce des sens n’arrive que comme accessoire. Ce devait être l’honneur de Julie, sa gloire, comme c’était son devoir, de conserver l’inviolabilité de son mariage aussi bien de cœur que de corps. Ici encore, si l’écrivain est logique, s’il reste fidèle à son principe et à son but, le roman tombe : impossible d’aller plus loin.

Mais Julie est créole ; elle n’entend pas de cette oreille ; son vénérable d’ailleurs l’y autorise. Il lui a dit : Aimez, rajeunissez, soyez heureuse à tout prix. Depuis six ans, sous prétexte de santé, elle vagabonde, cherchant un amant selon son cœur ; et comme elle va vite quand il est trouvé ! Et Je vous aime, et Je vous appartiens ; et ce soir même nous coucherions ensemble, sans ce maudit anévrisme. Connaissez-vous rien de plus obscène que ce tableau où M. de Lamartine peint les deux amants, logés porte à porte, et qui, après avoir rétabli la communication, se donnent tout ce qu’ils peuvent, moins ce que vous savez, parce que la mort est au bout ? Lélia n’eût pas hésité ; elle aurait dit : Mourons !… J’aime mieux Lélia, j’aime mieux Messaline.

Pendant six semaines, M. de Lamartine nous représente ce