Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/412

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puis philosophe par sentiment, républicaine par engouement, mais toujours dominée par le sentiment et l’idéal : à dix-sept ans elle accepte, en la personne de Roland de la Platière, un Wolmar, en attendant que le ciel lui envoie un Saint-Preux ; rédige, en collaboration avec son mari, des livres sur le commerce et les manufactures ; puis tout à coup, devenue clubiste, femme d’État et cheffesse de parti, agite la nation plus qu’elle ne la sert, et perd la Gironde, son mari et elle-même, par son immixtion aussi malheureuse que malhabile dans la politique : voilà, en dix lignes, Mme Roland.

Ce dont je la loue est d’avoir contribué, par l’influence propre à son sexe, le sentiment et l’idéal, au développement de la Justice révolutionnaire ; elle gâta son rôle dès qu’elle eut la prétention d’employer d’autres armes, et d’agir aussi par la force de la raison.

Les mémoires qu’on lui attribue étant apocryphes, je ne puis la juger que par son parti et par un seul acte ; mais cet acte est décisif et la peint tout entière, elle et ses amis. On lui a supposé un amour secret et profond pour un Girondin : personne ne peut dire ce qui en fut. J’admets que sa vie occupée, son esprit remuant, le respect de son mari, le soin de sa réputation, la sauvèrent jusqu’à la fin des misères d’un entraînement que fille et femme elle dut réprimer : que ne fît-elle pour la vanité ce qu’elle avait si bien su faire pour l’amour ! La Gironde, en conservant le pouvoir quatre mois de plus, eût sauvé peut-être la République, tombée à sa naissance dans la mare de sang de septembre.

Mme Roland et les Girondins, c’est tout un : dire ce que fut le parti, c’est faire le portrait de la femme.

Par l’idée qu’elle représente autant que par ses talents, la Gironde a toujours eu ma sympathie ; comme caractère, je la trouve déplorable.

Mieux que les Jacobins elle avait conservé la pensée de 89, marquée par les fédérations ; mais elle la comprend si peu, cette pensée, elle se montre si incertaine, si chancelante, qu’on l’accuse, sous le nom de fédéralisme, avec une apparence de raison, de vouloir le démembrement de la France.