Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/422

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Puis donc que nous ne pouvons juger cet écrivain que sur des aperçus de détail, et qu’après tout la puissance de l’esprit, quand elle existe, se montre aussi bien dans les petites choses que dans les grandes, contentons-nous de quelques citations, qui serviront autant que mille.

Le tome troisième de l’Éducation progressive est exclusivement consacré aux femmes : c’est la partie de son sujet que l’auteur devait le mieux connaître. J’ai cité les passages dans lesquels Mme Necker avoue, d’un air si contraint, si piteux, l’infériorité de l’intelligence chez la femme, sans se douter un moment que cette infériorité puisse avoir sa raison dans la destinée sociale ; je continue.

« Une entière franchise est rare chez la femme », dit Mme Necker.

Le fait est vrai ; mais d’où vient cette rareté ? Voilà ce qu’il faut dire ; sans quoi l’observation est sans portée, et l’institutrice, qui veut corriger ce défaut dans son élève, court risque de faire fausse route. Faut-il attribuer au serpent, l’antique initiateur du sexe, cette perfidie naturelle que les philosophes et les satiriques attribuent si volontiers à la femme ? Pour moi, sauf meilleur avis, il me semble que le défaut de franchise chez la femme résulte de la qualité de son entendement. Elle procède par intuition, non par enchaînement de propositions ; et comme l’intuition ne mène pas loin, il s’ensuit que la femme est forcée de s’arrêter devant les conséquences inconnues de ses paroles ; elle se méfie d’elle-même : son défaut de franchise ne prouve donc qu’une chose, sa timidité, disons même, sa prudence. Mme Necker, qui, après avoir posé le principe, n’avait plus qu’à tirer la conséquence, le comprend si peu qu’elle attribue la duplicité de la femme à sa servitude ; de sorte qu’au lieu d’un coupable nous en avons deux, la femme menteuse et l’homme tyran, quelle psychologie !

« Cependant, ajoute notre institutrice, ses sentiments sont plus vifs, plus indestructibles, moins sujets à être refroidis par les sophismes que ceux de l’homme. »

Pourquoi cela encore ? Mme Necker, qui a vu le fait, n’en découvre pas mieux la raison. C’est qu’un esprit qui n’enchaîne