Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/466

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femme à son tour, pour prix de ses soins, de sa tendresse, de sa vertu, aura, quoi ? un baiser. Des deux parts, sacrifice complet de la personne, abnégation entière du moi, la mise en jeu de la vie et de l’être pour une récompense idéale : voilà le sacrement de Justice, voilà le mariage.

L’homme et la femme sont-ils faits égaux par cette union ? — En résultat, oui, ils sont égaux ; le mariage, fondé sur un dévouement réciproque absolu, implique communauté de fortune et d’honneur. En principe et dans la pratique, cette égalité n’existe pas, ne peut pas exister. D’un côté, la femme ne peut soutenir, pour la puissance des facultés, la comparaison avec l’homme, ni dans l’ordre économique et industriel, ni dans l’ordre philosophique et littéraire, ni dans l’ordre juridique : or, ces trois ordres de manifestations, correspondant aux catégories de l’utile, du vrai et du juste, embrassent les trois quarts de la vie sociale. D’autre part, l’égalité des droits supposant une balance des avantages dont la nature a doué la femme avec les facultés plus puissantes de l’homme, il en résulterait que la femme, au lieu de s’élever par cette balance, serait dénaturée, avilie. Par l’idéalité de son être, la femme est, pour ainsi dire, hors prix. Elle atteint plus haut que l’homme, mais à condition d’être portée par lui ; pour qu’elle conserve cette grâce inestimable, qui n’est pas en elle une faculté positive, mais une qualité, un mode, un état, il faut qu’elle accepte la loi de la puissance maritale : l’égalité, la rendant odieuse et laide, serait la dissolution du mariage, la mort de l’amour, la perte du genre humain.

Tel est le mariage théorique, mariage qui se réalise de point en point dans la collectivité sociale, par l’ensemble des rapports que soutiennent entre eux les deux sexes, et compensation faite des anomalies de détails et des griefs