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individuels, mais dont on ne manquera pas de dire qu’il est encore, pour l’immense majorité des sujets de l’un et de l’autre sexe, une utopie. Ceci nous conduit à une nouvelle face de la question.

XXXVII

7. La famille : deuxième degré de juridiction.

Si, dit-on, l’hyménée, de même que l’amour, est un pur idéal ; si la théorie, par sa sublimité même, reste inapplicable, ou du moins inappliquée dans la pratique quotidienne, ne serait-il pas plus simple, plus sûr, plus moral même, de laisser le vulgaire grossier à la liberté des unions naturelles ? Qu’il est rare que l’amour, tel que le rêvent le jeune homme et la jeune fille, préside au mariage ! Et que de vices, que de déceptions déshonorent cette union réputée sainte ! Du côté masculin, quelle brutalité, quelle paresse égoïste, quelle lâche tyrannie, que de crapule ! Dans la femme, que de légèreté, de folie, et parfois que d’insolence ! que d’ineptie et de bavardage ! quelle mollesse, quelle ordure sous sa vaine coquetterie ! Qu’attendre donc, pour le mariage, de pareils sujets ? Qu’espérer, pour le progrès de la Justice et des mœurs, de couples si misérables ?

L’objection est vieille ; c’est la même qui jadis suggéra l’idée de réserver à l’aristocratie le privilége du sacrement, pendant que la vile multitude était reléguée, avec les esclaves, dans la prostitution et le concubinat.

Ceux qui, n’osant dénigrer l’institution, en allèguent les risques et accusent d’indignité matrimoniale la multitude des époux, oublient que le mariage, nécessaire d’ailleurs à la société, indispensable aux enfants, est fait surtout pour ces âmes brutes que l’on en voudrait écarter. C’est ainsi que s’est faite la première civilisation : elle a débuté par l’abolition de la promiscuité et de l’amour