Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/513

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

accompagne dans le cœur de l’homme l’accomplissement de la Justice, et du remords qui en suit la violation.

Tous les peuples ont cru, d’un sentiment spontané, qu’en ce qui concerne particulièrement la loi morale, lorsqu’elle est fidèlement observée, il y a quelqu’un qui s’en réjouit ; lorsqu’elle est foulée aux pieds, quelqu’un qui s’en offense. Et ce quelqu’un, conformément à leurs habitudes mentales ils l’ont placé dans le ciel. Là-haut, dit Job, est celui qui me regarde et qui note ce que je fais : Ecce enim in cœlo testis meus, et conscius meus in excelsis. Pensée sublime, devant laquelle l’opinion des déistes, qui font Dieu indifférent aux affaires humaines, paraît du dernier absurde. Certes, s’il est un esprit infini, une âme universelle, qui personnifie en soi la loi des mondes, cet esprit s’affecte de tout ce qui arrive dans la création ; Dieu, le bienheureux des bienheureux, est en même temps le plus malheureux des êtres.

Mais que signifie, pour nous qui considérons surtout en Dieu la conscience de l’humanité, ce magnifique symbole ? C’est que l’homme, quand la vertu le délecte ou que le péché le tourmente, se réjouit, pâtit, non pas en qualité de serf de la loi, attendant punition ou récompense de son souverain, comme le donnent à entendre les moralistes ; il souffre, il pâtit en qualité de législateur. C’est parce que l’homme est le sujet de la loi, l’être en qui elle existe, comme l’attraction dans la matière, que le crime commis par autrui et au préjudice d’autrui ne le trouve jamais indifférent : cette loi violée, c’est lui-même ; c’est sa dignité législative qui est atteinte, c’est sa personne. Aux explications que nous avons données (Études II et VIII) de la nature du sens moral vient se joindre maintenant celle qui se déduit de la notion philosophique de la loi : de toute manière la théorie de l’immanence a gain de cause.