Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/542

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losophie de la Révolution, ce qu’il faut entendre par ce mot, si longtemps inexpliqué, de sanction pénale.

Qui ne voit à présent que le principe des institutions pénitentiaires est le même que celui des réunions et assemblées de toute sorte, les premières créées pour l’acquittement des dettes envers la Justice, debita nostra ; les secondes établies pour l’exaltation de la conscience publique ? Depuis 89, l’instinct populaire n’a cessé de réclamer, pour ce double objet, organisation et réforme ; ç’a été, sous le nom de suffrage universel, le but constant de la démocratie. Mais les choses ont été si bien menées depuis soixante ans que, sur les deux lignes, la rétrogradation a été égale : en même temps que les philanthropes des prisons inventaient le régime cellulaire, les réunions et assemblées libres étaient interdites comme menaçantes pour l’ordre, et le suffrage universel transformé en mortier monstre pour le service du gouvernement.

À qui la faute ? dites-vous. — Oh ! je sais de quoi vous voulez parler. Mais, dites-moi, Monseigneur, pendant combien d’années, sur soixante, les défenseurs de l’ordre ont-ils possédé le pouvoir ? À part les trois journées de juillet 1830 et les trois de février 1848, ils l’ont possédé soixante ans. Qu’ont-ils fait, pendant tout ce temps-là, pour dégager la pensée de la Révolution, formuler sa doctrine, organiser ses justices, c’est-à-dire ses forces de collectivité et ses assemblées, rendre la réparation des crimes et délits utile et honorable ? Rien : ils ont entretenu l’état de guerre ; ils ont inoculé aux masses le scepticisme moral, dont ils étaient infectés ; ils ont fait du droit une hypocrisie et de la satisfaction une honte. Et vous vous étonnez que, sous ce régime de guerre, les réunions publiques deviennent des foyers de sédition, et que votre pénitencerie, au lieu de guérir les coupables, ne produise chez eux qu’endurcissement !…