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Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/552

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tantes ; que le très-grand nombre ne sait pas même travailler, et pour cela est traité en esclave ; et que les plus hardis cherchent la fortune dans le désordre même.

Je ne veux pas trop approfondir, et pour bonnes raisons : contentons-nous de regarder à la superficie des choses.

On compte, d’après la statistique de M. Ach. Guillard, 1,170,000 rentiers et pensionnés, complétement affranchis de travail. Or, s’il est juste, ainsi que je l’ai établi moi-même, que la rente du sol et des capitaux ne soit pas laissée tout entière au travailleur, attendu qu’elle ne dépend pas exclusivement du travail ; s’il paraît même convenable que cette rente, au lieu de tomber dans la caisse de l’État, se répartisse entre un certain nombre de titulaires, elle ne doit dans aucun cas devenir, pour le rentier, une raison de repousser le travail : tous les économistes sont d’accord sur ce point. La rente a pour destination normale de niveler entre les diverses exploitations, tant agricoles qu’industrielles, les inégalités de rendement et les risques de toute nature qui pèsent sur le travail : dans ces conditions, elle peut et elle doit devenir un moyen d’équilibre. Consommée en entier par une classe d’oisifs purs, elle constitue un déficit réel, et, ce qui devient odieux, une prélibation sur le nécessaire du travailleur. Or, à quelle cause rapporter originairement ce déficit ? À la paresse, à l’orgueil, à la sensualité, à tous ces vices qui nous rongent et que la rente semble avoir pour objet de satisfaire.

À côté de ces 1,170,000 rentiers, figurent 607,000 fonctionnaires, gens d’Église, de lettres, d’art, d’affaires, que M. Guillard réunit tous dans la même catégorie, sous le titre de Professions libérales. Bon nombre de ces libéraux participent à la rente, mais la rachètent dans une certaine mesure par une prestation de travail, lequel est