Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/553

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rémunéré, bien entendu. De quelle nature est ce travail ? De même nature que ce que tout industriel, commerçant ou exploitant, appelle ses frais généraux. Ce sont les frais généraux de la société.

En effet, que ces dépenses aient pour objet de récréer l’esprit, comme les spectacles ; d’embellir l’habitation, comme les arts ; de raffermir la conscience, comme la religion ; de faciliter les transactions ou de maintenir l’ordre et la sécurité, c’est toujours la même chose. Ce n’est point là une production réelle qui, en s’accroissant selon les lois de la proportionnalité, augmente la richesse ; c’est un accessoire, indispensable sans doute, mais que sa nature commande de réduire toujours, en le faisant rentrer autant que possible dans la production effective, attendu que, dès lors qu’il se spécialise, il y en a toujours trop. Par exemple, le livret de l’Exposition des beaux-arts contient 1,000 noms d’artistes, qui tous restent étrangers à la production réelle : c’est 950 que je voudrais voir y revenir. Cinquante artistes, en mille ans, suffisent à l’illustration d’un peuple ; accordons-les comme moyenne permanente, le reste doit retourner à l’établi ou à la charrue. J’en dis autant des gens de lettres, des gens d’Église et des gens d’affaires, dont le personnel doit se réduire progressivement et se rallier au service actif de l’instruction publique et de l’industrie. Or, d’où nous vient encore cette exorbitance de 607,000 individus travaillant ad libitum, faisant un service privilégié, honorifique, chèrement payé, et de moins en moins productif ? De la même cause toujours, de l’orgueil, de la répugnance au travail et de la prédominance de l’idéal.

Suivent dans la statistique 102,000 sujets consacrés au service du luxe : comme si, pour faire du luxe, il était besoin d’autre chose que de produire de la richesse ! Mais non : dès lors que l’idéalisme prend le pas sur la