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ÉVOLUTION HISTORIQUE

sible dans ses peintures, c’est justement ce qui laisse voir sa personnalité à lui. Il a fait un tableau purement personnel dans son Allégorie réelle, qui ne vaut pas mieux que ses Filles de Loth. L’originalité de l’artiste se montre dans le choix des sujets, la manière dont il les conçoit et les exécute. Ceci accordé, Courbet fait comme tous les vrais artistes : il s’identifie avec son idée, la creuse, ne songe plus qu’à elle et en fait une représentation d’autant mieux réussie, qu’elle est plus ’impersonnelle et qu’elle plait à plus de monde. Le peintre, comme l’historien, le poëte, le dramaturge, le romancier, le comédien, doit s’effacer derrière ses personnages.

Tout en reconnaissant à Courbet les caractères d’un initiateur, je ne puis admettre sa prétention d’avoir révélé à l’art des horizons complètement inconnus jusque-là. D’abord le génie ne se produit jamais isolé : il a ses précédents, sa tradition, ses idées accumulées, ses facultés grossies et rendues plus énergiques par la foi intense des générations ; il ne pense pas seul dans un individualisme solitaire : c’est une pensée collective grandie par le temps. En second lieu, l’école française va dans la même direction que Courbet, sans que ni lui ni elle, peut-être, l’aient su. C’est par la peinture de paysage et d’animaux qu’elle revient à la nature et aux choses de la démocratie. Il suffit de citer les noms les plus connus : Rousseau, Fromentin, Daubigny, Corot,