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Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/129

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L’idée gouvernementale naquit donc des mœurs de famille et de l’expérience domestique : aucune protestation ne se produisit alors, le Gouvernement paraissant aussi naturel à la Société que la subordination entre le père et ses enfants. C’est pourquoi M. de Bonald a pu dire, avec raison, que la famille est l’embryon de l’État, dont elle reproduit les catégories essentielles : le roi dans le père, le ministre dans la mère, le sujet dans l’enfant. C’est pour cela aussi que les socialistes fraternitaires, qui prennent la famille pour élément de la Société, arrivent tous à la dictature, forme la plus exagérée du Gouvernement. L’administration de M. Cabet, dans ses états de Nauvoo, en est un bel exemple. Combien de temps encore nous faudra-t-il pour comprendre cette filiation d’idées ?

La conception primitive de l’ordre par le Gouvernement appartient à tous les peuples : et si, dès l’origine, les efforts qui ont été faits pour organiser, limiter, modifier l’action du pouvoir, l’approprier aux besoins généraux et aux circonstances, démontrent que la négation était impliquée dans l’affirmation, il est certain qu’aucune hypothèse rivale n’a été émise ; l’esprit est partout resté le même. À mesure que les nations sont sorties de l’état sauvage et barbare, on les a vues immédiatement s’engager dans la voie gouvernementale, parcourir un cercle d’institutions toujours les mêmes, et que tous les historiens et publicistes rangent sous ces catégories, succédanées l’une à l’autre, Monarchie, Aristocratie, Démocratie.

Mais voici qui est plus grave.

Le préjugé gouvernemental pénétrant au plus profond des consciences, frappant la raison de son moule, toute conception autre a été pendant longtemps rendue impossible, et les plus hardis parmi les penseurs