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Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/18

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ne refoule point une révolution, on ne la trompe pas, on ne saurait la dénaturer, ni à plus forte raison la vaincre. Plus vous la comprimez, plus vous augmentez son ressort, et rendez son action irrésistible. C’est à tel point qu’il est parfaitement égal, pour le triomphe d’une idée, qu’elle soit persécutée, vexée, écrasée dans ses commencements, ou qu’elle se développe et se propage sans obstacle. Comme l’antique Némésis, que ni les prières ni les menaces ne pouvaient émouvoir, la révolution s’avance, d’un pas fatal et sombre, sur les fleurs que lui jettent ses dévots, dans le sang de ses défenseurs, et sur les cadavres de ses ennemis.

Quand les conspirations s’arrêtèrent en 1822, quelques-uns crurent que la Restauration avait vaincu la Révolution. Aussi est-ce à cette époque, sous le ministère Villèle, et lors de l’expédition d’Espagne, que l’insulte lui fut prodiguée. Pauvres fous ! la Révolution avait passé : elle vous attendait à 1830.

Quand les sociétés secrètes, en 1839, après la tentative de Blanqui et de Barbès, furent dispersées, on crut encore à l’immortalité de la jeune dynastie : il semblait que le progrès fût à ses ordres. Les années qui suivirent furent les plus florissantes du règne. Ce fut pourtant à partir de 1839 que commença, dans la bourgeoisie par la coalition, dans le peuple par la commotion du 12 mai, la grande désaffection qui vint aboutir aux journées de février. Peut-être, avec plus de prudence, ou plus d’audace, aurait-on réussi à prolonger de quelques années l’existence de cette royauté devenue flagramment réactionnaire : la catastrophe, retardée, n’eût été que plus violente.

Après février, on a vu tour à tour jacobins, girondins, bonapartistes, orléanistes, légitimistes, jésuites,