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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/139

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C’est en vain que l’immortel auteur de la Critique de la raison pure, Kant, a essayé d’appliquer au problème qui nous occupe ses puissantes catégories. Fourvoyé dès le premier pas par la négation du droit de la force, il n’a pu que se traîner à la suite de Wolf, et il a fini, chose pitoyable, par s’embourber dans l’utopie. Ce phénomène terrible, dont il n’y a pas moyen de révoquer en doute les éclats, la guerre, inquiète au plus haut degré la raison méthodique, paisible, du philosophe de Kœnigsberg : c’est la pierre d’achoppement de son système. Sans une théorie exacte de la guerre et de son droit, en effet, le système de la raison pratique croule, et l’édifice kantien ne subsiste plus que sur une aile. Aussi faut-il voir avec quel acharnement le philosophe se débat contre ce sphinx qui déroute sa logique. Il lui cherche des démentis, de l’opposition, des négations partout. D’où peut venir aux hommes cette fureur étrange ? Devant cette question, Kant reste perplexe, et il conclut, non à résoudre l’énigme, mais à la trancher, en faisant disparaître, par des moyens de police générale, cette affreuse guerre, contre laquelle vient se briser sa philosophie du droit.


« La guerre, dit Kant, n’a besoin d’aucun motif particulier. Elle semble avoir sa racine dans la nature humaine, passant pour un acte de noblesse, auquel doit porter l’amour de la gloire, sans aucun mobile d’intérêt. Ainsi, parmi les sauvages de l’Amérique, comme en Europe dans les siècles de chevalerie, la valeur militaire obtient de grands honneurs, non-seulement s’il y a guerre, comme il serait juste, mais encore pour qu’il y ait guerre, et comme moyen de se signaler. De sorte qu’on attache une espèce de dignité à la guerre, et qu’il se trouve jusqu’à des philosophes qui en font l’éloge comme d’une noble prérogative de l’humanité, oubliant ce » mot