Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/140

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d’un Grec : La guerre est un mal, en ce qu’elle fait plus de méchants qu’elle n’en emporte[1]. »


Kant soutient donc qu’il ne doit y avoir aucune guerre, ni entre individus, ni entre peuples ; que c’est un état extra-légal, et que le véritable droit des gens est de mettre fin à ces luttes exécrables, en travaillant à créer et à consolider la paix perpétuelle.

De Grotius, Wolf et Pufendorf, docteurs graves, nous voici tombés dans la soutane de l’abbé de Saint-Pierre, philanthrope et utopiste ! Nous ne sommes pas au bout. Le projet de paix perpétuelle est-il réalisable ? Kant considère comme un indice de cette réalisation la possibilité qu’il y a, selon lui, de contenir les passions, en les opposant les unes aux autres :


« Le problème d’une constitution, dit-il, fût-ce pour un peuple de démons, n’est pas impossible à résoudre, pourvu que ce peuple soit doué d’entendement. On aurait l’avantage, par là, de ne pas attendre la paix du monde d’une réforme morale des hommes, impossible elle-même à obtenir. »


C’est justement la théorie passionnelle de Ch. Fourier, combinée avec le système à bascule, ou des contre-forces d’Ancillon. La théorie de Fourier est aujourd’hui reléguée parmi les utopies dont on ne se donne même plus la peine de faire l’essai : et pourquoi ? C’est justement parce que les hommes, passionnés, et sous ce rapport semblables à des démons, sont en outre doués d’entendement, et que cet entendement, loin de servir à mettre d’accord ou à équilibrer leurs prétentions, leur sert précisément au contraire

  1. Kant. Principes métaphysiques du droit, traduction de Tissot.