Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/269

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dence. Il fit entendre qu’il serait peu honorable au parti, après avoir repoussé avec tant d’énergie le principe de la séparation des pouvoirs, de paraître sacrifier le dogme démocratique à l’appât d’une élection ; qu’il semblerait qu’on redoutât l’institution présidentielle beaucoup moins pour elle-même que pour le personnage qui pouvait en être revêtu, etc. — Nos amis crurent lever la difficulté en faisant prendre au candidat l’engagement, sur l’honneur, s’il était élu, d’employer son autorité à faire réviser immédiatement la Constitution, reconnaître le droit au travail, et abolir la présidence : précaution qui à nos yeux avait le triple défaut d’être inconstitutionnelle, impraticable et souverainement puérile.

Le Peuple alors essaya de rappeler les esprits à la pratique. Il fit observer que, puisque l’on persistait à voter, il convenait d’être au moins convaincu d’une chose, savoir : que le candidat de la démocratie sociale n’avait aucune chance ; que dès lors les voix qui lui seraient données, ne pouvant servir qu’à élever le chiffre de la majorité absolue, diminueraient d’autant les probabilités en faveur de Louis Bonaparte, et augmenteraient dans la même proportion les chances de Cavaignac ; qu’ainsi, voter pour Raspail ou Ledru-Rollin, c’était en réalité voter pour le vainqueur de Juin, l’homme qu’à cette époque on haïssait le plus. Lequel de ces deux candidats, Cavaignac ou Louis Bonaparte, la démocratie socialiste devait-elle redouter davantage de voir élever à la présidence ? Voilà, disait le Peuple, comment devait être posée la question.

Cette observation, toute d’arithmétique, parut une défection. Le Peuple fut mis au ban de la démocratie. On invoqua, en désespoir de cause, la nécessité de l’union, le besoin de discipline : c’est avec cela que les emportés finissent par avoir raison des timides. Le Peuple répliqua qu’il n’y avait d’union possible que sur le terrain des prin-